Notre proposition se base sur une hybridation performative de différents langages (sonore, lu, chanté, activé… à travers une ambiguïté du bord, des sons et des images définies ou indéfinies) et s’articule autour du concept d’« autohistoria-teoría » développé par l’autrice et poétesse féministe queer chicana Gloria Anzaldúa.
L’intervention consiste en une lecture en duo et en trois langues (espagnol, anglais et français) de La Prieta, l’une des pièces centrales d’Anzaldúa, dont nous conserverons en partie la structure narrative (qui mêle des autohistorias ou des témoignages, des poèmes et de la théorie) avec l’intention de porter à l’oreille cet entremêlement en recomposant un paysage sonore dans lequel s’inséreront progressivement des irruptions provenant de nos propres « autohistorias-teorías » et d’autres éléments d’identification et de reconstruction personnels.
La Prieta nous encourage à « nous rendre absolument vulnérables ». de sorte que Camille proposera une traduction française – dirty translation – de La Prieta, fragmentée et parcellaire, volontairement imparfaite et Oscar composera la musique des poèmes qu’il chantera en un a cappella dysharmonique, chacun(e) dans l’intention de contaminer la lecture jusqu’à en arriver à un débordement, mais aussi à une rencontre et à une révélation de l’un(e) et l’autre à travers le son et la voix.
Réélaborer les « autohistorias-teorías » à travers notre goût pour cette force anarchiste-féministe si puissante du bord et de la poésie nous semble particulièrement pertinent pour le symposium, en lien avec la remise en question (dans une perspective décoloniale) des connaissances et des formats académiques.
Par ailleurs, l’idée de prendre en charge la voix d’Anzaldúa, de l’assumer à partir de notre propre position et expérience et de contribuer à lui donner une autre dimension en l’enracinant de nouveau dans un (des) corps nous tenait beaucoup à cœur. Il s’agit de créer une politique radicale en liant la théorisation de la (des) frontière(s), les marginalités et la possibilité de construire des ponts et de forger des alliances sociales.
La participation de Camille est supportée par le Consulat général de France à Québec
Camille Back est doctorante à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 et prépare une thèse autour du travail de Gloria Anzaldúa et de l’émergence de la queer theory. Ses recherches cherchent à proposer une analyse critique des théories queers blanches et de certains de leurs paradigmes en mettant en évidence le rôle précurseur d’Anzaldúa, dont la contribution a été effacée des généalogies courantes. Ses travaux ont notamment été publiés dans l’ouvrage collectif El Mundo Zurdo 7: Selected Works from the 2018 Meeting of the Society for the Study of Gloria Anzaldúa et dans la revue EOLLES (Epistemological Others, Languages, Literatures, Exchanges and Societies). Elle a également réalisé Something to do with the dark (2019), un film expérimental autour d’Anzaldúa en collaboration avec l’artiste visuelle Celine Drouin Laroche.
Oscar Cortés Arenas est un artiste avec une formation multidisciplinaire. Il a fait des études en architecture à la Pontificia Universidad Javeriana ainsi qu’une maîtrise en théâtre et arts vivants à l’Universidad Nacional de Colombia. Le corps, le genre, la voix, le visuel et la ville sont présents dans son œuvre au moyen d’installations in situ, de l’art vidéo et du chant lyrique expérimental. Sa recherche artistique cherche, par le biais de l’ironie, à transcender et à transgresser différentes questions de la vie sociale et politique des communautés dans lesquelles il intervient. Son œuvre a été présentée en Colombie, au Mexique, en Argentine, au Canada, en Espagne et au Portugal.
Il est professeur et chercheur en recherche-création à l’Universidad Pedagógica Nacional. Il est chargé de cours à la Pontificia Universidad Javeriana de Bogotá dans les programmes d’arts de la scène et d’arts visuels.