« Parce qu’ils se situent à l’interface entre nous et les autres, [les gestes] font émerger – à travers nous – des processus constituants qui dépassent nos intentions et notre rationalité conscientes. […] Le geste est un moyen d’affecter autrui par l’intermédiaire d’une transformation de notre corps » (Yves Citton, Gestes d’humanité : 15 et 30)
L’écoute implique une mobilisation du corps et une inflexion de l’esprit. L’auditeur est plongé dans un espace qu’il contribue à façonner; il participe ainsi à un processus de transformation et d’échange. Composer des états, c’est mettre en mouvement nos écoutes, c’est interroger les relations entre l’auditeur et son milieu. Au fil des parcours se trace une cartographie parcellaire des écoutes du réel qui rend audible le brouillage des frontières entre le sujet et le monde, entre l’artiste et le théoricien.
Ce processus s’expérimente à travers quatre gestes :
Prendre (le son). Ce geste implique une mise en résonance qui déplace le sujet et le milieu.
Improviser (avec l’espace). Ce geste souligne la part d’imprévu et d’involontaire au cœur de la création sonore.
Transmettre (une écoute). Ce geste rend audible la structure d’adresse, le désir d’un échange qui accompagne notre perception du monde sonore.
Partager (une posture). Ce geste est un moyen d’éprouver la co-vibration entre les corps et les sons, de faire ressentir un état, une émotion.
Cette écoute des écoutes convoque un imaginaire qui se compose au fil des circulations : du concret à l’abstrait, de la proximité de la matière à l’éloignement des espaces, de nous vers les autres.
Frédéric Dallaire est professeur de cinéma en recherche-création à l’Université de Montréal. Codirecteur du laboratoire La création sonore : cinéma, arts médiatiques, arts du son et membre du réseau Hexagram, il a enseigné la pratique du son, de la vidéo et du montage, le cinéma expérimental et la philosophie du cinéma. Il réalise des films, des œuvres sonores et des projets musicaux, dont Dynamique de la pénombre (avec Félix Dufour-Laperrière, 2012), Le souffle court (avec Chantal Dumas, 2017) et Le rêve d’Ida (2019). Ses recherches portent sur la pensée et la pratique du mixage ainsi que sur les liens entre l’improvisation et le cinéma.
Artiste sonore, Chantal Dumas explore le médium du son depuis plus de 25 ans à travers la fiction-documentaire radiophonique, la musique de concert, l’installation, le design et les parcours sonores. Son travail est porté par une attention particulière portée à l’écoute qui trouve écho dans les différentes formes d’écritures qu’elle utilise. Mettre en scène, mettre en jeu et faire vivre une expérience sont des stratégies utilisées pour faire de la création sonore un art de contact sensoriel. Son travail a été récompensé entre autres par le Prix Opus – concert de l’année Musiques actuelle, électroacoustique et par les prix Bohemia (CZ) et Phonurgia Nova (FR) en radio. Vient de paraître Dialogues avec Chantal Dumas, qui trace le parcours de son travail de création radiophonique avec le centre Avatar.